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Manque d’enseignants à l’université : « Ça craque de partout, c’est l’asphyxie », alertent les syndicats

« Avec de plus en plus d’étudiants et de moins en moins d’enseignants, ça craque » : en dix ans, les universités françaises ont absorbé 500 000 étudiants supplémentaires, mais le taux de recrutement des enseignants est « historiquement bas ».

  • [Article Le Télégramme]

    « En dix ans, les établissements d’enseignement supérieur ont absorbé 500 000 étudiants de plus, dont 90 000 en trois ans, correspondant au pic de natalité des années 2000 », assure Anne Roger, secrétaire générale du syndicat Snesup-FSU.

    Cette année encore, « 34 000 bacheliers en plus arrivent dans le supérieur, après un taux de réussite au bac de 94 % », ajoute-t-elle. Mais « le gros problème est que le taux de recrutement des enseignants est historiquement bas : il a baissé de moitié depuis dix ans. On a de moins en moins d’enseignants, les moyens ne suivent pas : du coup, ça craque ».

    Les facs tirent la langue, on ne fait que gérer la pénurie budgétaire

    « Le ministère dit que les universités ont les moyens de recruter, mais elles sont dans l’incapacité financière de le faire ; donc, c’est l’impasse. Résultat : les facs tirent la langue, on ne fait que gérer la pénurie budgétaire ».

    « Les collègues n’en peuvent plus »

    Et de donner l’exemple de la filière Staps (Sciences et techniques des activités physiques et sportives) de Rennes et de Saint-Brieuc : les étudiants ont enfin une date de rentrée, en l’occurrence le 4 octobre. Mais faute de postes supplémentaires, certains cours pourraient ne pas être assurés.

    Cet exemple est, selon elle, « loin d’être anecdotique car les conditions de travail se dégradent. Les collègues n’en peuvent plus. Le faible taux d’encadrement est une réalité, on manque de places en master et en licence », lance-t-elle.

    Contacté, François Le Yondre, maître de conférences en Staps et sociologie à Rennes 2, a le sentiment « que (s) es collègues et (s) es étudiants sont tout simplement abandonnés car le ministère n’a pas accordé de moyens en plus malgré la revendication depuis des mois ».

    « On va faire la rentrée le 4 octobre avec trois semaines de retard, mais il y aura des dysfonctionnements, faute de postes supplémentaires », regrette-t-il.

    2 700 étudiants pour 60 enseignants titulaires

    L’Unité de formation et de recherche (UFR) Staps de Rennes est l’une des deux plus importantes en France, avec 2 700 étudiants pour seulement 60 enseignants titulaires actuellement. Cette unité compte parmi les trois UFR qui sont les plus sous-dotées. Alors que la moyenne d’encadrement de la filière, déjà largement déficitaire, se situe autour de 35 étudiants par enseignant, le Staps de Rennes compose avec 44 étudiants par enseignant, raconte François Le Yondre.

    Selon lui, « si l’UFR Staps se contente des services de ses titulaires, sans les heures supplémentaires et les vacations externes, les cours s’arrêteraient à la première semaine du second semestre, c’est-à-dire en janvier 2022 ».

    La situation est tellement catastrophique que cela ne peut suffire

    Françoise Lambert, secrétaire générale au Sgen-CFDT, rappelle que Frédérique Vidal, ministre de l’Enseignement supérieur, a annoncé 650 postes en plus en 2022, « ce qui est une bonne chose ». Mais « la situation est tellement catastrophique que cela ne peut suffire », déplore-t-elle.

    « Ça craque de partout, c’est l’asphyxie : on croise de plus en plus de personnels épuisés, en burn-out, sous pression avec la reprise à 100 % en présentiel. Il y a de plus en plus d’arrêts maladie », liste-t-elle.

    Colère et lassitude

    « Les enseignants sont dans une sorte de conflit de loyauté car ils sont à la fois heureux de pouvoir accueillir les étudiants de nouveau en présentiel, mais aussi malheureux de le faire dans des conditions dégradées », ajoute Mathias Bernard, président de l’université de Clermont-Ferrand.

    « Nous n’avons pas la possibilité de mettre autant d’enseignants que nous souhaiterions devant les étudiants et cela est particulièrement vrai dans les filières sous tension comme Staps, droit et psycho », cite-t-il. « Globalement, les équipes sont mobilisées pour faire au mieux, mais il y a de la colère, de la lassitude. On est sur un équilibre fragile », conclut-il.

    Mobilisation interprofessionnelle le 5 octobre

    Même constat pour Mélanie Luce, présidente de l’Unef, qui dénonce le fait qu'« on entasse les étudiants dans les amphis ». « On demande 20 000 places en master, 80 000 en premier cycle en plus, en urgence, et donc aussi plus de professeurs », insiste-t-elle, avant d’assurer que « les étudiants seront dans la rue le 5 octobre pour la mobilisation interprofessionnelle ».

  • [SOURCE]

    [Article du Télégramme]

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